Les chroniques d'Erramun Bachoc
Bilinguisme et diglossie
Le bilinguisme, ce terme possède plusieurs significations.
1. Le bilinguisme individuel est l’aptitude à utiliser deux (ou plusieurs) langues. Les bienfaits du bilinguisme sont connus. Comparés aux sujets unilingues, les bilingues sont meilleurs pour l’aptitude à communiquer, pour l’ouverture aux autres cultures, pour la créativité intellectuelle, pour apprendre une autre langue ou pour comprendre les mathématiques.
2. Le bilinguisme institutionnel fait que les services publics sont offerts dans deux langues officielles (ou plus), pour que chaque citoyen puisse utiliser facilement sa langue maternelle. Par exemple au Canada, en Belgique, en Suisse les fonctionnaires fédéraux sont bilingues au service des citoyens souvent unilingues.
3. Le bilinguisme “ethnique” (William Mackey) se vérifie quand tous les habitants d’un pays sont obligés d’utiliser une autre langue pour s’intégrer dans la société. Le bilinguisme évolue avec le temps toujours dans la même direction, la diglossie : à la fin tous utilisent la langue extérieure pour remplir toutes les fonctions La langue d’origine devient langue familiale, se limite à la fonction symbolique et risque de disparaître. A titre d’exemple, au Québec un francophone n’a pas à utiliser l’anglais, car il vit dans une fédération bilingue. Tandis qu’un Basque doit utiliser le français ou l’espagnol pour vivre normalement dans son pays.
La diglossie, c’est quoi ?
1. Le linguiste Fergusson a défini la diglossie fonctionnelle : “Dans une société quand plusieurs codes sont utilisés, ils coexistent durablement quand un code remplit une fonction spéciale que l’autre ne remplit pas. Quand ils offrent les mêmes services, un jour un code se substitue à l’autre”. En Côte d’Ivoire, au village on parle la langue ethnique, le “baoulé” par exemple ; au marché on utilise le “dioula”, à l’école le français et à la mosquée l’arabe. Au Pays Basque, voilà 50 ans, le basque se parlait en famille, à l’église, au marché et au fronton ; le français à l’école et au service militaire. Depuis que la télévision est entrée à la maison, le français a envahi progressivement tous les réseaux de communication.
2. A ce moment-là, la diglossie devient dominatrice, et la langue la plus forte menace l’existence de la plus faible : “pourquoi deux langues quand une seule suffit” ? Le défi des bascophones est de redonner à la langue basque toute sa place en créant des lieux où il est normal et agréable de parler basque : ikastola et sections bilingues, entre amis, dans des moments de loisir et de fête, dans des activités culturelles, dans les commerces de proximité, à la mairie. Bref organisons des lieux ou des moments où la diglossie soit favorable à la langue basque sans tomber dans le ghetto.
3. Il arrive que la diglossie soit intériorisée par les locuteurs bilingues quand le français prend trop d’importance. Le conflit linguiste est aussi en nous. Le bilinguisme n’est pas toujours équilibré. Chez certains bilingues, le français prédomine dans l’usage quotidien. Au delà de la connaissance du basque, l’objectif est donc la facilité à l’utiliser. Il faut respecter les étapes. Les bilingues réceptifs sont sur la bonne voie en écoutant les radios basques ou en participant à des activités de culture basque.
Le bilinguisme équilibré et l’usage normal de la langue basque sont nos objectifs pour dépasser la diglossie dominatrice. Mais dans un processus souple et en respectant les étapes. La médiation entre le monde basque et les autres cultures fait aussi partie de la politique linguistique.